Il y a quelques semaines Airbnb confirmait son intention de racheter le site https://www.hoteltonight.com.
En moyenne 2 millions de visiteurs cherchent à réserver tous les soirs sur Airbnb… Quelle intelligence donc de vouloir acquérir un site spécialisé dans la réservation hôtelière de dernière minute ! Cela indique aussi clairement le désir d’Airbnb de venir jouer sur le terrain de Booking.com et Expedia.
J’ai eu la chance d’interviewer Adlene DJEKIREF, Market Manager Boutique Hotels – Airbnb. Voici cette interview, accompagnée de mes propres réflexions sur certaines de ses réponses.
Bonne lecture !
« Parle-nous un peu de toi, de ton parcours et de tes fonctions chez Airbnb. »
Adlene : « Diplômé en Revenue Management à l’université & L’ESSCA d’Angers, j’ai commencé ma carrière chez Stairway Management où j’ai piloté le revenu de plusieurs hôtels indépendants ainsi que des franchisés EUROPCAR à travers le monde.
J’ai rejoint par la suite le Groupe Homeplazza, propriétaire de 3 hôtels à Paris : Les Jardins du Marais, le Patio Saint Antoine et l’Hôtel du Collectionneur, dans lequel j’ai pris la direction Revenu pendant 5 années. Après quoi, j’ai lancé ma société de conseil en Marketing & Revenue Management hôtelier. Je donne également des cours de Yield dans plusieurs établissements hôteliers comme le CMH à Paris, l’IEFT Lyon et l’ESHRA à Alger.
J’ai rejoint Airbnb en août dernier, pour travailler sur les Boutique Hotels en France et en Belgique. »
« Quels sont les types d’hôtels qui fonctionnent le mieux ? »
Adlene : « Sur Airbnb, les hôtels qui fonctionnent le mieux sont ceux qui partagent l’ADN et les valeurs de l’entreprise, que ce soit en termes de design mais aussi en termes d’hospitalité. Si je dois résumer cela en une phrase, ce sont ceux qui ont compris que le succès et le business sont le résultat d’une satisfaction client : “Love first, business will follow”. »
Mes réflexions sur la réponse d’Adlene : Rien de nouveau ici ! Les hôtels qui fonctionnent le mieux sont clairement ceux qui se focalisent sur l’humain et l’expérience. Il est cependant intéressant que, contrairement aux OTA classiques, la réponse ne concerne que l’expérience client et non pas le triangle habituel “Prix / Situation géographique / Expérience”.
« Que font-ils de particulier pour avoir du succès ? »
Adlene : « La clientèle Airbnb est assez demandeuse d’expériences locales et de petites attentions, au-delà de la propreté de la chambre et de l’hôtel. C’est une clientèle qui va poser beaucoup de questions sur les restaurants recommandés, les parcs à visiter, les marchés à faire, etc. ; une clientèle qui veut aussi tisser des liens avec les hôtes. Vous remarquerez que la majorité des commentaires laissés sur Airbnb sont sur l’hôte et non pas sur la chambre.
Adapter le contenu de l’hôtel sur Airbnb est primordial : on réserve chez quelqu’un et non pas dans un lieu. L’hôte Airbnb peut être un professionnel, c’est cependant lui qui est mis en avant (et évalué), non pas exclusivement l’hébergement. La réactivité aux questions est aussi très importante : beaucoup de clients posent des questions avant de réserver ; pour les capter, il ne faudrait pas laisser traîner leurs requêtes ni y répondre 3 jours plus tard. »
Mes réflexions sur la réponse d’Adlene : Que la clientèle Airbnb pose beaucoup plus de questions directement à l’hôte confirme le point précédent : l’humain avant tout. Mais je ne pense pas qu’il s’agit là uniquement d’un “effet Airbnb” ; il s’agit en fait d’une attitude parfaitement normale que tous les voyageurs auraient si on leur en offrait la possibilité. A titre d’exemple, sur la solution Expérience Hôtel, nous enregistrons des taux de réponses aux enquêtes pré-séjour supérieurs à 50 %. Et les questions les plus courantes concernent les restaurants et les activités des alentours.
Airbnb ne semble pas avoir créé une nouvelle façon de consommer. Il a simplement su proposer aux voyageurs une plateforme correspondant réellement à ce qu’ils souhaitaient déjà avoir.
« Observes-tu des comportements clients différents lorsqu’ils réservent un hôtel plutôt qu’une maison d’hôtes ? »
Adlene : « Pas vraiment ! La vision de notre plateforme est de créer un monde où chaque voyageur peut se sentir chez lui – et la typologie des voyageurs sur Airbnb est très variée.
Un même voyageur peut avoir des besoins différents en fonction de l’occasion. Il peut avoir envie de dormir dans une cabane au milieu des arbres en amoureux, aller dans un hôtel lors de son déplacement professionnel ou louer une grande maison avec piscine quand il part en vacances en famille. »
« Selon toi, qu’est-ce qu’un hôtel ne devrait surtout pas faire sur Airbnb ? »
Adlene : « Nos fondateurs viennent du monde du design et cela transparaît dans l’expérience client à la fois online et offline ; c’est une des clés de la réussite Airbnb. Je recommande toujours à nos hôtes professionnels d’avoir cela en tête lorsqu’ils créent leur annonce sur Airbnb. Cela passe par avoir de belles photos, une description complète et transparente, un titre accrocheur qui reflète l’unicité du lieu… Il faut savoir innover et se réinventer pour répondre aux besoins, en mutation continuelle, de notre communauté de voyageurs. »
Mes réflexions sur la réponse d’Adlene : Au final, être bien distribué sur Airbnb n’est pas si différent de ce que vous faites déjà : belle photo, texte accrocheur, etc. Ce sont des fondamentaux que chaque hôtelier devrait déjà avoir bien en place. Aucune difficulté de ce côté-là.
« Si j’étais un propriétaire d’hôtel, quelles seraient les actions prioritaires sur lesquelles concentrer ma commercialisation Airbnb ? »
Adlene : « Adapter tes contenus (textes & photos), attirer les premiers voyageurs avec des promos et des prix intéressants pour avoir les premiers commentaires, être à cheval sur le fait d’avoir un taux de réponse aux questions posées par tes clients supérieur à 90 %, ainsi que sur la qualité de l’expérience offerte aux voyageurs, enfin savoir se différencier dès les premiers jours sur Airbnb à travers les services & expériences additionnels proposés dans ton établissement.
Pour rappel, sur Airbnb, on peut devenir Superhost ; cela permet d’avoir plus de visibilité et par conséquent plus de réservations et de revenus. La clé du succès est exclusivement la qualité, constatée à travers la note et les commentaires laissés par nos voyageurs. »
Mes réflexions sur la réponse d’Adlene : Adlene évoque ici le taux de réponse aux clients. En effet, celui-ci semble un critère extrêmement important pour les utilisateurs de la plateforme. Lors d’un précédent article que j’avais écrit sur le sujet, un hôtelier et ami me parlait du même point (voir l’article ici) et de l’importance de répondre personnellement à chaque demande.
Voici une marque de fabrique qui vous différencie des OTA actuels. Certes, il vous demandera un peu de temps en gestion journalière. Mais votre équipe de réception devrait pouvoir l’assurer si vous avez déjà automatisé toute la partie administrative de votre hôtel.
« De manière générale, et toujours si j’étais hôtelier, comment me convaincrais-tu de commercialiser mon hôtel sur ta plateforme ? »
Adlene : « Pour rappel : 500 millions de voyageurs ont déjà utilisé Airbnb ; tous les soirs, 2 millions de voyageurs en moyenne cherchent où dormir sur Airbnb… Ce serait dommage de s’en priver. De plus, nos partenaires hôteliers apprécient énormément notre communauté de voyageurs. Je cite le directeur de l’Europe Hotel Eiffel : « J’adore échanger avec eux, parfois ils m’envoient des coeurs sur Whatsapp ».
Pour finir et d’un point de vue purement stratégique, c’est toujours intéressant de diversifier sa distribution, surtout que notre taux de commission reste très compétitif. »
Mes réflexions sur la réponse d’Adlene : Je ne suis personnellement ni pour ni contre Airbnb. Pourtant vous me voyez prêcher la bonne parole concernant ce site depuis de nombreuses années… Alors, pourquoi me suis-je engagé dans ce combat ?
Car, peu importe la nature de la plateforme, une nouvelle concurrence doit venir sur le marché empêcher Booking.com de continuer à prendre le monopole de la distribution hôtelière. La plupart des hôtels se plaignent des OTA et… comme je les comprends ! Eh bien, la meilleure astuce que je puisse leur donner est de se diversifier.
Si, d’ici quelques années, Airbnb générait autant de réservations que Booking ou Expedia, ne croyez-vous pas que cela inciterait les uns et les autres à recommencer à “séduire” les hôteliers pour tenter de les garder comme clients au lieu de les “forcer” à rester sous peine de voir leur commercialisation chuter d‘un coup ?
Merci,
Tony LOEB